Prolongation des heures d’ouverture
Un consensus à portée de main !
Depuis quelques années, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec recommande au gouvernement du Québec de prolonger l’heure d’ouverture des bars au-delà de trois heures du matin. Plusieurs motifs justifient cette démarche. L’ouverture jusqu’à six heures du matin serait beaucoup plus attrayante pour les touristes dans des villes comme Québec et Montréal; elle augmenterait aussi le niveau de sécurité pour les clients.
Montréal, projet pilote?
Motivé par l’expérience de la Nuit blanche du Festival Montréal en lumière, le maire de Montréal, Denis Coderre, est prêt à réfléchir au prolongement de l’ouverture des bars de 3 h à 6 h du matin.
Lors d’une réunion du comité exécutif de la ville de Montréal, monsieur Coderre a mentionné que ce projet pourrait être bénéfique pour l’industrie touristique de la ville. Un projet pilote est actuellement à l’étude pour qu’une quinzaine de bars du Quartier Latin et que moins d’une dizaine de la rue Crescent restent ouverts jusqu’à 6 h. Le projet proposé par le maire Denis Coderre vise quatre week-ends, soit les 12,13 et 14 juin, les 19, 20 et 21 juin, les 26, 27 et 28 juin et les 3, 4 et 5 juillet 2014.
De plus, le maire désire lancer une consultation spécifique, qui aborderait entre autres les enjeux de sécurité et de bruit. Les artères montréalaises où se concentrent les bars connaissent un fort engorgement lorsqu’arrive l’heure de fermeture, observe Rémi Boivin chercheur au Centre International de criminologie comparée de l’Université de Montréal. Selon lui, repousser l’heure de fermeture des bars à 6 h permettrait d’atténuer ce problème.
L’idée de prolonger les heures d’ouverture jusqu’à 6 h du matin avait déjà été abordée en 2011 par le fondateur du Festival Juste pour rire, Gilbert Rozon, alors qu’il était président du Comité performance de l’industrie touristique. Il voit toujours en cette fermeture tardive l’occasion d’affirmer la véritable identité de Montréal.
D’autres intervenants comme Pierre Bellerose, vice-président de Tourisme Montréal, estiment qu’une bonne étude de terrain devra être faite pour trouver la meilleure formule pour la métropole. Selon lui, il est difficile de prévoir si l’impact sur le tourisme sera significatif.
Les jeunes libéraux suggèrent de fermer les bars à 5 h 30
Plusieurs groupes et organismes sont également favorables à une prolongation des heures, dont la Commission-Jeunesse du Parti Libéral du Québec. Cette dernière propose de prolonger l’heure d’ouverture des bars les soirs de fin de semaine, et ce, dans le but de favoriser le tourisme.
Le cahier des résolutions du 31e congrès de la Commission-Jeunesse du PLQ demande au Parti libéral du Québec de s’engager, dès son retour au gouvernement, à prolonger de 3 h à 5 h 30 les vendredis et les samedis soir l’heure de fermeture des bars, tavernes, boîtes de nuit et autres débits de boissons afin de rentabiliser davantage l’industrie du divertissement nocturne, dans un souci de développement du tourisme.
Selon la commission politique jeunesse de Montréal, qui est à l’origine de cette résolution, les heures de fermeture pourraient être modulées en fonction des quartiers et de l’achalandage pour répondre aux périodes de forte affluence touristique.
Selon eux l’industrie du divertissement nocturne est de moins en moins associée à un monde immoral, dangereux et marginal, comme elle était perçue par le passé. Au contraire, cette industrie est dorénavant considérée comme légitime et profitable. De plus, elle améliore l’image de la ville dans un environnement urbain, animé et cosmopolite.
Les jeunes libéraux de Montréal rappellent que la métropole se positionne comme une destination touristique majeure et proposent de s’inspirer des villes de New York et de Londres, où l’État gère et encadre l’industrie du divertissement nocturne par le biais d’organismes parapublics.
Selon le document présenté aux participants du congrès de la Commission-Jeunesse, des villes comme New York et Londres, où l’industrie du divertissement nocturne est supervisée et encouragée par l’État, sont plus sécuritaires depuis l’adoption de ces mesures.
Retour à la maison plus sécuritaire
Si pour certains, la prolongation améliorerait la rentabilité des établissements, pour d’autres, comme Jean-Marie De Koninck, président d’Opération Nez Rouge, la sécurité des clients en serait grandement accrue.
Comme le mentionnait monsieur De Koninck dans un article paru dans le magazine Infobars du mois d’août 2012, cette mesure rendrait plus sécuritaire le retour des clients à la maison.
En imposant une heure de fermeture unique, nous nous retrouvons avec un nombre important de personnes qui doivent rentrer chez eux en même temps et de façon sécuritaire. Cette demande simultanée augmente le temps d’attente pour les services (compagnies de taxi, Opération Nez rouge et autres services de raccompagnement). Certains utilisateurs choisissent malheureusement de prendre les clés de leur véhicule plutôt que d’affronter une attente pouvant paraître longue, surtout en plein hiver.
L’augmentation du temps entre la dernière tournée et la fermeture des établissements permettrait aux clients de terminer la soirée tranquillement et inciterait ceux qui ne sont pas en état de conduire à attendre un moyen sécuritaire de rentrer à la maison.
Les pour et les contre
L’heure de fermeture des bars d’Halifax a été mise en question par le chef du service policier d’Halifax, Jean-Michel Blais en 2012. Ce dernier suggérait que les bars ferment plus tôt afin d’améliorer la sécurité publique. Selon lui on diminuerait le nombre de bagarres dans les rues après la fermeture des bars.
Aujourd’hui les autorités de la ville de Sydney en Australie envisagent-elles aussi d’abaisser l’heure de fermeture de 3 h 30 le matin à 2 h pour une question de sécurité. Une orientation surprenante pour cette ville australienne qui ne semble pas tenir compte de l’expérience d’une autre ville. Melbourne a abaissé l’heure de la fermeture des bars, c’est tout le contraire qui s’est produit, on a assisté plutôt à une augmentation de la violence dans les rues.
Il y a quelques années, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté préfectoral de janvier 2009 qui obligeait les bars et les restaurants à fermer leurs portes à 3 h le samedi.
Ces établissements sont revenus à la réglementation de 1970 qui ne fixe pas d’heure limite de fermeture le samedi. Pour les soirs de semaine, y compris le vendredi soir, rien ne change : les bars et restaurants doivent fermer à 2 h. Pour les discothèques, les cabarets et les salles de quilles, l’heure de fermeture est maintenue à 6 h.
Les quinze mois de fermeture des bars à 3 h ont été financièrement éprouvants pour les propriétaires, mais certains citoyens y ont plutôt vu une période d’accalmie. Le bruit est toujours la raison principale des opposants. Les gens ont téléphoné régulièrement à leur préfecture (Toulouse) pour se plaindre du bruit provenant des établissements et, encore aujourd’hui, celle-ci reçoit toujours des plaintes contre les bars.
Si le gouvernement du Québec souhaite étudier la possibilité de prolonger les heures d’ouverture des bars, il faut s’attendre à une vive opposition de certains citoyens. La ville de Toulouse en est un exemple, mais on pourrait nommer plusieurs autres endroits où les citoyens ont manifesté leur mécontentement.
Depuis que la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec a suggéré le prolongement des heures d’ouverture pour les bars il y a déjà quelques années, on ne peut que constater qu’il y a de plus en plus de gens qui se rallient à cette idée. Ce sera l’un des dossiers chauds de 2015.
Par Richard Poirier