Mot du Président
Passer de la prohibition à la régulation
Le 24 avril 2012, le ministre de la Sécurité publique,M. Robert Dutil, a enfin présenté le projet de loi no 68, visant à moderniser la Loi sur les permis d’alcool, qui date de près de 20 ans, et à simplifier la législation en matière d’alcool au Québec. Pour la CPBBTQ, il s’agissait du couronnement de plusieurs années de représentations et discussions avec la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ).
Le 12 octobre dernier, par exemple, la RACJ a convoqué la Corporation à une rencontre d’échanges portant sur lamodification de la Loi sur les permis d’alcool. À la demande de Christine Ellefsen, présidente de la RACJ, le conseild’administration de la CPBBTQ a examiné les divers changements proposés à la loi et a transmis ses recommandations et ses suggestions par écrit.
Mais la lecture du projet de loi no 68, en avril, a vite fait déchanter tous les intervenants du milieu, y compris lesassociations de propriétaires de bars et de restaurants. Les critiques ont fusé de partout et il est maintenant clair qu’il faudra revoir certaines des dispositions prévues dans le projet de loi, dont les conséquences paraissent inquiétantes pour l’industrie.
Des consultations publiques auront lieu à la mi-septembre à ce sujet. La CPBBTQ déposera un mémoire le 11 septembre à la salle du Conseil législatif de l’hôtel du Parlement. Elle aura aussi l’occasion de faire valoir son point de vue et d’émettre ses recommandations.
Bien que les modifications proposées représentent dans l’ensemble une modernisation appréciable de la loi actuelle, le projet de loi no 68 comporte toujours des archaïsmes, de même qu’un bon nombre d’imprécisions et de mesures irritantes pour notre industrie.
Voici les principaux irritants :
Sur le plan politique :
a) Parmi ses « prémisses incontournables », la RACJ sou tient que la Loi sur les permis d’alcool est une loi de prohibition. L’heure n’est-elle pas venue d’avoir une approche plus moderne et d’adopter plutôt une loi régulatrice pour encadrer notre industrie?
b) Il est impensable d’autoriser la présence de mineurs sur la terrasse d’un bar jusqu’à 23 h sans aucune supervi- sion de l’autorité parentale. Cette mesure est irréconci- liable avec les efforts du gouvernement du Québec visant à limiter la consommation d’alcool chez les jeunes. Dans les faits, il s’agit d’une véritable invitation lancée aux mineurs à fréquenter nos terrasses sans consentement parental préalable.
c) La CPBBTQ est favorable à l’extension des heures d’exploitation de nos établissements, 24 heures par jour, 7 jours semaine, à condition toutefois qu’il ne soit pas permis de vendre de l’alcool entre 3 h et 8 h le matin. Le projet de loi no 68 y est aussi favorable, mais seulement lors d’un jour férié ou d’une manifestation culturelle, sociale, sportive ou touristique. Pourquoi ne pas le permettre en tout temps?
Sur le plan administratif :
a) Le projet de loi no 68 ne prévoit aucune disposition pour remplacer le timbre de droits sur les bouteilles d’alcool et de vin par un système moderne et efficace.
b) La CPBBTQ est en accord avec le concept de Permis unique proposé, mais en désaccord total avec le maintien des mesures forçant l’affectation d’un serveur par pièce. Le nombre d’employés dans une pièce ou sur la terrasse devrait être laissé à la discrétion du titulaire de permis, en fonction de l’achalandage. Nous sommes étonnés de constater que toutes nos représentations des dernières années n’ont pas été retenues. Les lignes décisionnelles (jurisprudences Au Coq sportif et autres) constituent toujours le principal point de litige entre nos membres et le gouvernement. Rappelons le nombre effarant de convocations devant la RACJ pour des situations où un client s’est trouvé dans un lieu où un serveur n’était pas affecté en tout temps.
c) Un Restaurant pour vendre ne devrait offrir de l’alcool qu’à l’occasion d’un repas et s’il est doté d’un bar annexe, ce bar devrait être exploité conformément aux règles applicables à ces derniers.
d) Le projet de loi no 68 est également silencieux sur le Service par soi-même. Cette nouvelle façon de fonctionner permet au client de se servir directement sans qu’on ne lui apporte un contenant ou un produit. Le client ne devrait pas pouvoir se servir lui-même. Il devrait être servi directement à sa place par une per- sonne assurant le service à la clientèle.
e) Nous sommes par ailleurs surpris que le projet de loi no 68 ne prévoie pas l’implantation d’un permis de travail dans des établissements licenciés exploitant la nudité. Nous faisons valoir que la révision de la loi est l’occasion idéale de légiférer dans ce sens.
f) Nous suggérons également que le projet de loi no 68 établisse un véritable programme de formation des employés, de même qu’un code d’éthique pour titulaires de permis. Pour le moment, seule la formation des employés y figure. La CPBBTQ a pourtant indiqué son désir d’être partie prenante de ces divers programmes, projets ou formations.
La révision de la Loi sur les permis d’alcool s’impose. Nous la souhaitons depuis plus de dix ans. Toutefois, cela doit se faire dans les règles de l’art avec l’accord du milieu. La Corporation poursuit donc ses efforts et ses démarches auprès de tous les intervenants, dont les influenceurs et les décideurs gouvernementaux, afin de consolider sa position et d’obtenir gain de cause pour ses membres.
La révision proposée à la Loi sur les permis d’alcool est pertinente, courageuse et montre une grande ouverture d’esprit. Mais ces modifications doivent résoudre nos problèmes plutôt que d’en créer de nouveaux. Ce qu’il nous faut, c’est une loi qui tient compte de la réalité quotidienne des tenanciers de bar d’un bout à l’autre du Québec.
Nous la méritons. Nous l’aurons.
Jean-Jacques Beauchamp, président
Conseil d’administration
Corporation des Propriétaires de Bars du Québec.